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Photo du rédacteurBenoît Bérard

Pacific Crest Trail

Dernière mise à jour : 22 sept.

CANADA !


Force est de constater que je m’efforce de mener deux projets de front. Mon expédition ainsi que le récit de mes aventures.


Argo m’a laissé suffisamment de temps pour combler le vide entre deux vagues avec des mots.


Sagitta s’est révélée plus généreuse et demandeuse que ce que j’aurais pu imaginer.


Orion me plongera si intensément dans le sauvage que répondre à mes besoins élémentaires sera une occupation à plein temps.


Et puis, j’ai ce besoin de m’alléger, d’aller vers le plus simple, l’essentiel.


Alors, je vais changer un peu la forme de cette histoire.


Je prends le départ du fameux Pacific Crest Trail ce vendredi 10 mai 2024. Cet article restera ouvert et j’y ajouterai, lorsque cela sera possible, quelques phrases pour vous donner de mes nouvelles. Il se complètera donc avec le temps et au fil des jours passés à marcher vers le Canada.


J’ai bien sûr à coeur de poursuivre mon récit comme je l’avais commencé, mais il faudra encore faire preuve d’un peu de patience pour en découvrir la suite.


J’ai toujours beaucoup de plaisir à lire vos commentaires, ils sont évidemment toujours les bienvenus. Et puisque cet article se construira au fur et à mesure, il est bien sûr possible de commenter plusieurs fois, l’incrémentation est chronologique.


Un grand merci pour votre soutien aux formes et échos multiples qui me remplissent de bonheur et me donne la force et le courage de poursuivre cette incroyable aventure.


Ultreïa !



Vous pouvez également visionner l’intégralité de mon parcours sur Polarstep et continuer de le suivre au fil des nouvelles étapes.


Pour plus de détails concernant ces dernières, rendez-vous sur Strava.


Ce sont deux pages web qu’il est normalement possible de consulter sans télécharger d’application ni créer de compte.


***


09 mai - veille du départ

Bien arrivé au campground de Campo. Demain c’est le grand départ pour le Pacifique Crest Trail. Mon sac est à nouveau bien plus grand et lourd que les autres. Je me demande comment ils font. Ou alors je n’ai peut-être pas eu le temps de passer par ce processus d’allégement incontournable, propre à la marche de longue distance. Les premiers jours me le diront.


10 mai - départ à la frontière mexicaine.

14 mai - jour 5

Presque sans transition, j’ai plongé dans le désert. Celui de haute altitude la plupart du temps. D’innombrables buissons qui semblent brouter paisiblement cette terre aux multiples teintes mais qui demeure sèche et aride. Des cactus, des agaves et du sable. Et de la poussière. Partout. Puis là au milieu, le printemps qui lui prend ses quartiers, tout à son aise. Alors que pour moi, tout est encore inconfort.


Les premiers jours ont été éprouvants sur le plan mental. Après tant de kilomètres parcourus jusqu’ici, trouver le courage pour me lancer dans cette nouvelle épreuve n’a pas été évident.


Aujourd’hui, je suis à Julian, un village quelques kilomètres à côté du trail où les PCT hiker ont pour habitude de se ravitailler. J’ai des ampoules plein les pieds et une douleur musculaire similaire à celle que j’avais eue au début du chemin de Compostelle. Mon sac est trop lourd. Mes presque 25kg me clouent sur place.


Une leçon d’humilité face à ce rappel à l’ordre sans équivoque. Mais une occasion pour apprendre surtout. Et il n’est jamais trop tard.


Le constat est simple. Pour marcher longtemps et loin ici, pour me faire pleinement accueillir dans ces étendues sauvages et reculées où seul l’essentiel est indispensable, je dois m’alléger. Je dois me défaire de quelques peurs supplémentaires que j’avais soigneusement emballées.


Alors, je vais prendre un jour de repos pour prendre soin de moi. Ça faisait si longtemps…


J’ai trié mes affaires, remplacé quelques pièces d’équipement indispensables trop lourdes ou volumineuses.


Je me réjouis de me remettre en route.


Ces événements auront au moins eu le mérite de raviver l’envie qui s’était un peu endormie en moi.


18 mai - jour 9

Je commence à prendre le rythme de ce trail très exigeant. Je me sens mieux dans mon corps et mon esprit. Je peux le laisser vagabonder à sa guise dans ces paysages désertiques aux cent visages dont je ne me lasse pas dans découvrir les nuances.


Vue sur la plaine où j’ai posé ma tente ce soir.

21 mai - au sommet du Mt San Jacinto (3288m).

Mt San Jacinto.

25 mai - jour 16

Le PCT est une fine sente que chacun de mes pas efface. Ce sont des crêtes qui transforment le sable en neige. Des prairie perlées de buissons et des canyons hérissés d’épines. C’est un chemin qui se déguise en méandres ou s‘évapore à flanc de montagne. C’est le poids du soleil, l’ivresse du vent et l’eau comme un murmure.

Mais c’est surtout un chemin qui se faufile à l’intérieur, faisant fi de l’épuisement, de la faim, de la soif et des douleurs. Un sentier qui prend sa source dans le dénuement et la simplicité. Une voie qui bien au-delà du Canada, me conduit un peu plus loin, en moi-même.


Vue sur Mission Creek Canyon.

05 juin - jour 27

Je suis arrivé ce soir à Hikertown au mile 517.6 après 7 jours d’autonomie complète et de presque solitude. Le but était d’éviter de sortir du chemin pour me ravitailler et ainsi gagner un temps précieux. Pour cela, il fallait marcher en moyenne 40km par jour avec un dénivelé souvent très prononcé. Je suis heureux d’y être parvenu. Je me sens bien dans mon corps et dans ma tête. Quelques heures de repos avant d’entamer une marche nocturne le long d’une portion mythique du PCT, le fameux aqueduc de Los Angeles. La vague de chaleur extrême qui s’abat en ce moment sur la région est très éprouvante. Je dois souvent porter 4-5 litres d’eau en plus de ma nourriture et de mes affaires. Heureusement, je me suis allégé au fil de jours grâce aux repas très attendus mais sommaires que je prépare chaque jour.


Excellente nouvelle : j’ai obtenu la prolongation de visa que je souhaitais et peux ainsi plus sereinement parcourir le reste de cet incroyable et exigeant trail.


Coucher de soleil depuis mon campement il y a 3 jours.

07 juin - jour 29 - Tehachapi, mile 466.5

Marcher dans ce corridor sauvage c’est se laisser guider vers l’essentiel, bercé par les mouvements d’un chemin qui joue tantôt à se faufiler dans les collines parfumées de couleurs ou qui s’évapore dans les éboulis des crues de Mission Creek ou au sommet des montagnes enneigées. Mais surtout, c’est accepter ses nombreux détours qui enserrent les reliefs de leurs bras, comme une manière d’en capter toutes les subtilités, et de s’ancrer dans un présent qui se révèle à lui seul comme étant la clé pour me faire oublier, un peu, le chemin qu’il me reste à parcourir.


Joshua tree sous le ciel étoilé du désert du Mojave lors d’une marche nocturne.

13 juin - jour 34 - Kennedy Meadows, mile 703.4

35 jours et 1127 kilomètres après mon départ, je suis arrivé à Kennedy Meadows, première étape significative de ce Pacific Crest Trail qui marque symboliquement la fin du désert et le début de la Sierra Nevada où je vais évoluer les prochaines semaines dans un environnement de haute altitude très différent de celui que j’ai côtoyé jusqu’à présent. Je reste ébloui par ce premier mois sur le chemin malgré les nombreuses difficultés je j’ai déjà affrontées. J’ai hâte de reprendre la route…


Durant les prochaines semaines, je serai plongé encore plus profondément dans le sauvage et n’aurai certainement pas de réseau la plupart du temps. Pas d’inquiétude à avoir si je ne donne pas beaucoup de nouvelles durant les 25-30 prochains jours.


27 juin - jour 49 - Vermilion Valley Resort, mile 879.9

Cela fait à présent plus de deux semaines que je chemine le long des crêtes de la High Sierra. Hautes altitudes, cols enneigés, vallées verdoyantes, rivières gonflées à bloc et des milliers de moustiques pour stimuler ma circulation. Ma progression est plus lente et éprouvante mais j’évolue dans un environnement sauvage à couper le souffle. Je me sens bien, physiquement et moralement. Je repars ce soir sur le trail pour une nouvelle semaine d’autonomie loin de toute âme qui vive.


Pour suivre mes aventures, je vous rappelle que vous pouvez voir les images de mon expédition grâce au lien Polarstep ci-dessus et/ou lire une brève description de chacune de mes journées sur Strava, également grâce au lien fourni.


02 juillet juin - jour 54 - Yosemite, mile 963.6


Ces dômes comme autant de cathédrales caressées par l’azur.

Ces rivières qui grondent en fragments de lumière.

Et ces forêts aux troncs parfois énormes, enracinées dans un temps qui semble appartenir aux origines.


09 juillet - jour 61 - Echo Lakes, mile 1093


De ce fin liseré d’argent qui s’effiloche et scintille aux crêtes dentelées. De ces cimes de granit au reflet revenu. De ces lacs aux bleus libérés par l’été qui s’installe. De cette succession de cols qui dévoilent - comme un secret - un passage.

Comme une opercule qui se soulève pour dévoiler le sauvage.


Un chemin que l’on esquisserait pour s’approcher du ciel.


Cette fois ça y est ! Je laisse définitivement la Sierra Nevada derrière moi et achève ainsi la deuxième partie de ce Pacific Crest Trail sur lequel j’évolue depuis 61 jours et 1’752km.

Outre les nombreuses difficultés et la rudesse qui s’imposent à cette vie sauvage, ce sont surtout tous les instants riches, captivants et sublimes - propres à cet environnement de haute altitude - que j’emporte avec moi alors que j’entre de plein pied dans la partie médiane d’Orion ; la Californie du Nord.

Comme d’ailleurs tous ceux qui sommeillent précieusement en moi, dans l’attente d’être partagés, depuis les premiers instants de cette folle expédition que j’ai débutée il y a exactement 222 jours sur les côtes méditerranéennes.


13 juillet - jour 65 - Truckee, mile 1154.5


Deux jours en dehors du trail dans la petite ville de Truckee où après m’être occupé de tous les impératifs liés à la suite du parcours, je peux enfin profiter d’une vraie journée de repos. Ça me fait un bien fou, mon corps en avait vraiment besoin !


19 juillet - jour 71 - Belden Town Resort, mile 1287.9


Chaque jour quelques pas qui me rapprochent un peu plus de ce pays aux allures de chimère que l’on appelle Canada.

Quelques pas encore à travers les denses forêts ou sur le fil de crêtes qui dévoilent les silhouettes alanguies de montagnes aux nuances de bleus et de verts. Et puis, hélas, ces larges zones calcinées qui réveillent à raison dans tous les esprits une nouvelle et ardente préoccupation qui court sur les lèvres aussi vite qu’un rideau de flammes et renaît chaque année de ses cendres, mais avec avec laquelle il faudra bien composer : les feux de forêts.


29 juillet - jour 81 - Mt Shasta city, mile 1501.9


Je continue de me faufiler entre les feux de forêts qui sévissent dans la région. Dérouler ce fil sans le rompre me demande des efforts particuliers depuis quelques jours, mais je continue de croire à la force des solutions et poursuis mon périple à pied vers le nord. Je prends un problème après l’autre et reste confiant pour la suite. Je ne prendrai pas de risques inconsidérés mais ferai tout mon possible pour éviter de devoir prendre une voiture. Au programme pour les prochains miles : marcher sur le PCT 5 jours jusqu’à Etna Summit, courir 16km sur la route depuis la fermeture du trail pour rejoindre la ville d’Etna, puis 2 jours de détour à pied, majoritairement sur une route asphaltée pour contourner le Shelly Fire et rejoindre le trail peu avant Seiad Valley.


09 août - jour 92 - Ashland (Oregon) - Mile 1718.7


Je suis bien arrivé à Ashland après avoir enfin traversé la frontière entre la Californie et l’Oregon. Ce jour de repos m’a fait du bien et c’est avec le plein de confiance que j’entame la suite. Les feux de forêts demeurent importants dans la région et j’ai dû planifier en conséquence, notamment en prévoyant un passage de quelques jours le long de routes forestières. Dans 7 jours je devrais être sorti de cette situation compliquée en arrivant à Shelter Cove Resort, au bord du lac Crescent.


À la frontière entre la Californie et l’Oregon.

20 août - jour 103 - Bend (Oregon) - Mile 2002


Les derniers jours ont mis mon corps et mon mental à rude épreuve. C’est la première fois que je ressens une sensation de fatigue globale depuis le début de cette expédition. En plus de toutes les difficultés inhérentes à l’environnement dans lequel je me plonge, je dois composer avec un certain nombre de douleurs et ces fameux incendies qui me demandent des efforts considérables pour créer des variantes. Les conditions météorologiques se sont corsées depuis quelques jours. Il fait froid, humide et les nuits sont glaciales. C’est l’automne qui s’autorise quelques imperinentes incursions. Dans son sillage, il laisse juste ce qu’il faut de lumière, de couleurs, d’odeurs et de promesses pour me rendre heureux et impatient de découvrir ce que ce chemin a encore à m’offrir jusqu’à cette frontière qui anime si souvent mes pensées. Malgré les efforts qui sont encore à fournir.


Quarante-huit heures sans marche à Bend pour me reposer et planifier la fin de cette expédition : faire état de la situation des feux à venir et trouver des alternatives, segmenter mon itinéraire pour acheter, empaqueter et envoyer tous mes ravitaillements pour l’état de Washington car le trail ne passe à proximité d’aucune ville digne de ce nom.


Dernier jour de vrai repos, demain je me remets en marche.


22 jours de nourriture à déballer, reconditionner, répartir, empaqueter et envoyer.


25 août - jour 108 - Timberline Lodge, hôtel film The Shining (Oregon) - Mile 2099.7


Aux bleus de cet impassible azur, quelques nuages pour délayer un peu de sa profondeur.

À l’assaut de ces énigmatiques sommets, quelques quêtes légendaires qui caressent mon imaginaire.

Aux cimes engourdies où s’attarde la brume.

Aux reflets mordorés d’une horizontale lumière.

Aux pieds de stoïques et géantes embases ; humus, petrichor.

Et partout où mon regard se pose, des fougères qui se prosternent, des feuillages brûlants, des lacs aux miroirs endormis et quelques flaques pour jouer à ne plus être sages.


L’automne a fait une audacieuse incursion alors que mon expédition vit ces dernières semaines.


07 septembre - jour 121 - Snoqualmie Pass - Mile 2395.8


Trois étapes, deux escales et un dernier feu à contourner. Voilà ce qu’il me reste pour atteindre la frontière canadienne. Malgré les nombreuses douleurs physiques, je suis impatient de me remettre en route pour cette dernière ligne droite. Une quinzaine de jours de marche sera nécessaire avant de pouvoir laisser Orion se reposer, lui aussi en a besoin…


16 septembre - jour 130 - Stehekin - Mile 2574.6


Mon sac est prêt. Et moi aussi. Tout ce que j’emporte avec moi me permettra à présent d’arriver au bout de cette incroyable expédition. 90 miles et une poignée de jours me séparent de cette ligne d’arrivée à laquelle je vais pouvoir accrocher ce fil que j’étire depuis de nombreux mois. J’ai hâte de plonger une dernière fois dans cette nature sauvage qui m’aura tant fasciné et apporté. Je me réjouis aussi que tout cela se termine enfin, j’ai plus que jamais besoin de repos physique et de pouvoir relâcher cette tension qui ne m’a pas quitté depuis mon départ, ce 1er décembre 2023, dans les brumes de Port-St-Louis-du-Rhône, au bord de la mer Méditerranée…


22 septembre - Vancouver


Le 20 septembre 2024 à 7h42, 296 jours plus tard et après avoir parcouru 20’796km à la seule force humaine et du vent, je suis arrivé au Northern Terminus du Pacific Crest Trail à la frontière canadienne. 136 jours et 4’436km à pied depuis le Mexique pour venir à bout de cette troisième partie de mon expédition que je laisse à présent se reposer. Tout comme moi d’ailleurs, j’en ai bien besoin.


Mais ce ne sont que des chiffres. L’essentiel n’est pas là. Le temps m’aidera certainement à en transcrire un peu de sa substance. Celle qui circule à présent en moi le long de ce fil invisible, comme un souffle qui caresse l’idée que « la vie ne peut être comprise qu’en regardant en arrière, mais elle doit être vécue en allant de l’avant. » Søren Kierkegaard


Je me sens vivant !


CANADA ! Pacific Crest Trail Northern Terminus monument.

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Sagitta

11 Comments

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Guest
Jun 08

C'est à nouveau nous... tu dois te dire que nous te lâchons pas !! En effet, grâce à tes infos, nous te suivons sur le grand atlas, et nous trouvons tes passages ! Magnifique ce que tu fais, et super pour nous de savoir en bonne forme et de te suivre... Les points de passage nous aident à imaginer ce que tu vis, mais sans la souffrance de tous ces muscles qui bossent jour après jour. Courage pour la suite de ton parcours ( exceptionnel ) on se tient les pouces !! Paule et Daniel

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Guest
Sep 07
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Oui, profites bien des derniers kiles !! Courage et amitiés

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Guest
May 24
Rated 5 out of 5 stars.

Bravo Benoit, magnifique parcours que tu nous offres là, courage pour la suite et bonne route ! Super ! Daniel et Paule


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Benoît Bérard
Benoît Bérard
May 26
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Merci à vous deux pour ce petit mot lumineux et pour vos encouragements. Bises

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Guest
May 19

Salut Benoît,

Quelle détermination !! Bravo à toi.

Comme ton sac, tu vas alléger ton mental du superflu j'imagine.

Que de paysages fous tu traverses.

Bonne chance !

Christian (ami de V.)


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Benoît Bérard
Benoît Bérard
May 26
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Salut Christian !

C’est exactement ça ! S’alléger c’est oser se défaire des peurs que j’avais soigneusement emballées et mises dans mon sac. Gagner en simplicité, marcher en direction de l’essentiel.

Merci pour ton message. Des bises

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Salut !

Bonne lecture !

 

Laisse-moi un petit  commentaire, je le lirai avec plaisir.

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